Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
LA CHANSON DE ROLAND


CXXIV


Merveilleuse est la bataille : c’est un tourbillon.
Les Francs y frappent vigoureusement, et, pleins de rage,
Tranchent les poings, les côtes, les échines,
Et les vêtements jusqu’aux chairs vives.
Le sang clair coule en ruisseaux sur l’herbe verte :
« Nous n’y pouvons tenir, s’écrient les païens.
« Ô Grand Pays, que Mahomet te maudisse !
« Ton peuple est le plus hardi des peuples. »
Pas un Sarrasin qui ne s’écrie : « Marsile, Marsile !
« Chevauche, ô Roi : nous avons besoin d’aide. »


CXXV


Merveilleuse, immense est la bataille.
De leurs lances d’acier bruni, les Français donnent de bons coups.
C’est là que l’on pourrait assister à grande douleur
Et voir des milliers d’hommes blessés, sanglants, morts...
L’un gît sur l’autre ; l’un sur le dos, et l’autre sur la face.
Mais les païens n’y peuvent tenir plus longtemps ;
Bon gré, mal gré, ils quittent le champ,
Et les Français de les poursuivre de vive force, la lance au dos.


CXXVI


Marsile assiste au martyre de sa gent ;
Il fait sonner ses cors et ses trompettes ;
Puis, avec sa grande armée, avec tout son ban, il monte à cheval.
En tête s’avance un Sarrasin nommé Abîme :
Il n’en est pas de plus félon que lui ;
Il est chargé de crimes, chargé de félonies.