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INTRODUCTION

A-t-il existé des Cantilènes épiques, ou bien nos Chansons de geste sont-elles en réalité la première forme qu’ait reçue notre Épopée nationale ?

Voilà la question nettement posée.

Les partisans des Cantilènes ont été en notre personne vivement attaqués par M. Paul Meyer. Nous allons essayer de répondre, en exposant très-simplement un système auquel nous demeurons profondément attaché, mais dont nous avons dû modifier plus d’un trait.

Que quelques Chansons de geste aient été composées directement d’après la tradition, nous l’admettrons volontiers et avons toujours été disposé à l’admettre. Mais nous ne saurions aller plus loin, et affirmons qu’il a existé des Cantilènes, ou, si nos lecteurs le préfèrent, des Chants lyrico-épiques.

Nous laisserons de côté tous les arguments à portée douteuse. Nous n’alléguerons plus ici que, chez tous les peuples, l’Hymne a précédé l’Épopée ; nous n’ajouterons pas que cette progression est dans la logique et la force des choses. Nous voulons même écarter de notre raisonnement tous les documents susceptibles de plusieurs interprétations[1]. Nous ne parlerons même pas du

    gique ; perdre, en un mot, leur existence individuelle pour devenir les membres d’un tout organique. En France, les circonstances se prêtèrent à ce changement. Les chansons de geste remplacèrent les cantilènes, et développèrent les germes d’épopée que celles-ci leur apportaient. » (Histoire poétique de Charlemagne, p. 69.) Nous n’avons jamais été plus loin.

  1. Ces documents que nous avons discutés au t. I de nos Épopées françaises, sont le Hildebrandslied, le Ludwigslied et la Cantilène de sainte Eulalie. — Dès le milieu du IXe siècle, il s’est produit, disions-nous, deux courants très-distincts dans notre poésie populaire : l’un tout à fait germain et aboutissant aux Nibelungen ; l’autre « roman » et devant, après bien des transformations, aboutir à notre Roland. L’un de ces deux courants est représenté par le « Chant d’Hildebrand et d’Hadebrand (VIII-IXe s.) ; l’autre par le Ludwigslied, qui est plus connu parmi nous sous le nom de « Cantilène de Saucourt ». — D’après ces deux exemples, nous nous croyions en droit d’affirmer la persistance des Cantilènes à l’époque carlovingienne. Mais M. Paul Meyer récuse le premier de ces textes comme absolument étranger à l’Épopée française, et le second « à cause de son origine ecclésiastique ». Ce dernier point est contestable, et il serait, au contraire, difficile de nier la popularité de la Cantilène. — Reste le Chant de sainte Eulalie, du xe siècle,