Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
LA CHANSON DE ROLAND

Et, à pleine lance, l’abat mort des arçons :
« Frappez, païens, nous les vaincrons. »
Et les Français : « Dieu ! s’écrient-ils, quel baron nous venons de perdre ! »


CXVIII


Quand le comte Roland vit Samson mort,
Vous devinez quelle immense douleur il en ressentit.
Il éperonne son cheval, qui, de toute sa force, prend son élan.
Dans son poing est Durendal, qui vaut plus que l’or fin.
Le baron va donner à Valdabron le plus rude coup qu’il peut
Sur le heaume gemmé d’or.
Il lui tranche la tête, le haubert, le corps,
La selle incrustée d’or,
Et jusqu’au dos du cheval, très-profondément.
Bref (qu’on le blâme ou qu’on le loue), il les tue tous les deux.
« Quel coup terrible pour nous ! s’écrient les païens :
« — Non, s’écrie Roland, je ne saurais aimer les vôtres ;
« C’est de votre côté qu’est l’orgueil et l’injustice. »


CXIX


Il y a là un Africain venu d’Afrique :
C’est Malquiant, le fils au roi Malcud.
Ses armes sont toutes couvertes d’or ;
Et, plus que tous les autres, il flamboie au soleil.
Il monte un cheval qu’il appelle Saut-Perdu :
Pas de bête qui puisse vaincre Saut-Perdu à la course.
Malquiant va frapper Anséis au milieu de l’écu,
Dont il efface le vermeil et l’azur ;
Puis il met en pièces les pans du haubert,
Et lui plonge au corps le fer et le bois de sa lance.