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LA CHANSON DE ROLAND

« Nous n’avions point de plus brave chevalier.
« — Que Dieu m’accorde de le venger, » répond Olivier.
Il pique son cheval de ses éperons d’or pur ;
Dans ses mains est Hauteclaire, dont tout l’acier est rouge de sang.
Il court frapper le païen de toute sa force,
Il brandit son coup : le Sarrasin tombe,
Et les Diables emportent son âme.
Puis il a tué le duc Alphaïen,
Tranché la tête d’Escababi,
Et désarçonné sept Arabes
Qui plus jamais ne pourront guerroyer.
« Mon compagnon est en colère, dit Roland,
« Et conquiert grand honneur à mes côtés :
« Voilà, voilà les coups qui nous font aimer de Charles !
« Frappez, chevaliers, frappez encore. »


CXVII


D’autre part est le païen Valdabron
Qui adouba le roi Marsile.
Il y a sur la mer quatre cents vaisseaux à lui.
Pas de navire, pas de barque qui ne se réclame de lui.
C’est ce Valdabron qui jadis prit Jérusalem par trahison,
C’est lui qui viola le temple de Salomon,
Et qui devant les fonts égorgea le patriarche.
C’est encore lui qui a reçu les promesses du comte Ganelon,
Et qui a donné à ce traître son épée avec mille mangons d’or.
Le cheval qu’il monte s’appelle Gramimond :
Un faucon est moins rapide.
Il le pique de ses éperons aigus,
Et va frapper le riche duc Samson.
Il met en pièces l’écu du Français, rompt les mailles du haubert,
Lui fait entrer dans le corps les pans de son gonfanon,