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LA CHANSON DE ROLAND

Mais les Français y perdent leur meilleure défense :
Ils ne reverront plus ni leurs pères ni leurs familles,
Ni Charlemagne qui les attend là-bas...



Et pendant ce temps, en France, il y a une merveilleuse tourmente :
Des tempêtes, du vent et du tonnerre,
De la pluie et de la grêle démesurément,
Des foudres qui tombent souvent et menu,
Et (rien n’est plus vrai) un tremblement de terre.
Depuis Saint-Michel de Paris jusqu’à Reims,
Depuis Besançon jusqu’au port de Wissant,
Pas une maison dont les murs ne crèvent.
À midi, il y a grandes ténèbres :
Il ne fait clair que si le ciel se fend.
Tous ceux qui voient ces prodiges en sont dans l’épouvante,
Et plusieurs disent : « C’est la fin du monde,
« C’est la consommation du siècle. »
Non, non : ils ne le savent pas, ils se trompent :
C’est le grand deuil pour la mort de Roland !


CXII


Les Français ont frappé rudement et de bon cœur,
Et les païens sont morts par milliers, par multitudes.
Sur cent mille, il n’en est pas deux qui survivent.
« Nos hommes sont des braves, s’écrie Roland,
« Et personne sous le ciel n’en a de meilleurs.
« Il est écrit dans la Geste de France
« Que notre empereur a de vaillants soldats. »
Et les voilà qui vont à travers toute la plaine et recherchent les leurs.
De deuil et de tendresse leurs yeux sont tout en larmes
À cause du grand amour qu’ils ont pour leurs parents.
Devant eux surgit alors Marsile avec sa grande armée.