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LA CHANSON DE ROLAND

Et lui porte un coup de lance le long des côtes.
Dieu préserve Olivier si bien que le coup ne le touche pas ;
La lance effleura sa chair, mais n’en enleva point.
Margaris alors va plus loin sans qu’aucun obstacle l’arrête,
Et sonne de son cor pour rallier les siens.


CIV


La bataille est merveilleuse, la bataille est une mêlée :
Le comte Roland ne craint pas de s’exposer.
Il frappe de la lance tant que le bois en dure ;
Mais la voilà bientôt brisée par quinze coups, brisée, perdue.
Alors Roland tire Durendal, sa bonne épée nue,
Éperonne son cheval et va frapper Chernuble.
Il met en pièces le heaume du païen où les escarboucles étincellent,
Lui coupe en deux la tête et la chevelure,
Lui tranche les yeux et le visage,
Le blanc haubert aux mailles si fines,
Tout le corps jusqu’à l’enfourchure
Et jusque sur la selle qui est incrustée d’or.
L’épée entre dans le corps du cheval,
Lui tranche l’échine sans chercher le joint,
Et sur l’herbe drue abat morts le cheval et le cavalier :
« Misérable, lui dit-il ensuite, tu fus mal inspiré de venir ici ;
« Ton Mahomet ne te viendra point en aide,
« Et ce n’est pas par un tel glouton que cette victoire sera gagnée ! »


CV


Au milieu du champ de bataille chevauche le comte Roland,
Sa Durendal au poing, qui bien tranche et bien taille,
Et qui fait grande tuerie des Sarrasins.
Ah ! si vous aviez vu Roland jeter un mort sur un autre mort,