Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxij
INTRODUCTION

seule, que nous soumettons volontiers à la bonne foi de nos adversaires : « Si les invasions germaines ne s’étaient pas produites, une épopée populaire aurait-elle pu naître et se développer parmi nous ? » Non, non, mille fois non : pas de Germains, pas d’épopée.

Les théories que nous venons d’exposer nous ont valu parfois de singuliers reproches. On a incriminé notre patriotisme, on nous a accusé de préférer l’Allemagne à la France et de donner un rôle trop considérable à nos mortels ennemis, les Germains. On a trop oublié qu’en réalité les Germains ont contribué à former la France, qui doit son nom à l’une de leurs tribus. On voudrait effacer de l’histoire les invasions du Ve siècle et l’établissement sur notre sol des Burgundes, des Franks et des Wisigoths. Quel intérêt trouverait-on à cet escamotage de l’histoire ? N’avons-nous pas dû à ces envahisseurs le rajeunissement très-nécessaire de notre race, depuis trop longtemps abâtardie et esclave ? Je sais tout le mal qu’ils nous ont fait, et quels dangers leur barbarie a fait courir à l’Église ; mais il faut avant tout dire la vérité, et nous n’avons point à en rougir. Ils mentent, ces théoriciens de la Prusse qui considèrent leur pays comme le seul représentant de l’Allemagne et du germanisme. Nous avons, nous aussi, du sang germain dans les veines ; mais nous appartenons à la race des Germains qui ont fait halte, et nous ne sommes pas de ceux qui perpétuent les invasions !


V. — de la première forme qu’a revêtue la légende de roland : les cantilènes


Nous connaissons les origines de notre Légende ; nous avons assisté à sa formation. Aux IXe et Xe siècles, elle circule, vivante, sur toutes les lèvres : on peut supposer que dès lors elle est presque complète. Déjà, sans doute, le roi Marsile y est mis