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LA CHANSON DE ROLAND


LXXVI


Plus loin est un autre païen, Estorgant,
Avec un sien compagnon, nommé Estramaris :
Mercenaires, traîtres et félons :
« Seigneurs, leur dit Marsile, avancez.
« Vous irez tous deux aux défilés de Roncevaux
« Et m’aiderez à conduire ma gent.
« — À vos ordres, répondent-ils.
« Nous nous jetterons sur Olivier et sur Roland ;
« Rien, rien ne garantira les douze Pairs de la mort.
« Nos épées sont bonnes et tranchantes ;
« Elles seront bientôt rouges d’un sang chaud.
« Français mourront, Charles en pleurera,
« Et nous vous ferons présent de la Grande-Terre.
« Sire, vous y verrez ce spectacle : venez,
« Et nous vous ferons encore cadeau de l’Empereur. »


LXXVII


Voici venir en courant Margaris de Séville,
Qui tient la terre jusqu’à Cadix sur mer.
Sa beauté lui fait autant d’amies qu’il y a de dames.
Pas une ne le peut voir sans que son front ne s’éclaircisse ;
Pas une ne se peut empêcher de rire quand elle le voit.
Nul païen n’est aussi chevalier.
Au milieu de la foule il s’avance, et, d’une voix plus forte que tous les autres :
« Ne craignez rien, dit-il au Roi.
« À Roncevaux je tuerai Roland,
« Et Olivier n’en emportera pas sa vie.
« C’est pour leur martyre que les douze Pairs sont demeurés là-bas.