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LA CHANSON DE ROLAND

« Et j’ai dû laisser Roland en un pays étranger.
« Si je perds un tel homme, je n’en trouverai jamais le pareil ! »


LXVIII


Charles le Grand ne peut s’empêcher de pleurer :
Cent mille Français sont pris pour lui de grand’pitié
Et d’une peur étrange pour Roland.
C’est Ganelon, c’est ce félon qui l’a trahi ;
C’est lui qui, pour cette trahison, a reçu du roi païen riches présents,
Or et argent, étoffes de soie, riches vêtements,
Chevaux et mulets, chameaux et lions…
Et voici que Marsile mande ses barons d’Espagne,
Comtes, vicomtes, ducs et aumaçors,
Avec les émirs et les fils de ses comtes.
Il en réunit quatre cent mille en trois jours,
Et fait sonner ses tambours dans toute la ville de Saragosse.
Sur le sommet de la plus haute tour, on élève la statue de Mahomet :
Pas de païen qui ne la prie et ne l’adore.
Puis ils chevauchent, en très-grande furie,
À travers la Cerdagne, les vallées et les montagnes.
Enfin ils aperçoivent les gonfanons de ceux de France.
C’est l’arrière-garde des douze Compagnons :
Point ne manqueront à leur livrer bataille.


LXIX


Au premier rang s’avance le neveu de Marsile,
Sur un mulet qu’il aiguillonne d’un bâton.
À son oncle il a dit bellement en riant :
« Beau sire roi, je vous ai bien servi ;