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LA CHANSON DE ROLAND

« Vous voyez ces passages et ces défilés étroits :
« Qui placerai-je à l’arrière-garde ? décidez-le.
« — Roland, ce sera mon beau-fils Roland, s’écrie Ganelon ;
« Vous n’avez pas de si vaillant baron. »
Charles l’entend et fièrement le regarde :
« Il faut, lui dit-il, que vous soyez le diable en personne.
« Une mortelle rage vous est entrée au corps...
« Et qui sera devant moi à l’avant-garde ?
« — Ce sera, dit Ganelon, Ogier de Danemark :
« Vous n’avez pas de baron qui s’en acquitte mieux. »


LIX


Le comte Roland, quand il entend qu’on le désigne,
A parlé en vrai chevalier :
« En vérité, sire beau-père, je dois vous bien aimer ;
« Vous m’avez fait donner l’arrière-garde.
« Celui qui tient la France, Charles, n’y perdra rien.
« Non, le Roi n’y perdra, à mon escient, ni palefroi, ni destrier,
« Ni mule, ni mulet qui chevauche,
« Ni roussin, ni sommier.
« Malheur à qui les touche : il sera payé à coups d’épée.
« — C’est vrai, répond Ganelon, et je le sais fort bien. »


LX


Roland, quand il entend qu’on le met à l’arrière-garde,
Interpelle, tout furieux, son beau-père :
« Ah ! traître, méchant homme et de méchante race,
« Tu croyais peut-être que je laisserais tomber le gant,
« Comme tu as laissé tomber le bâton devant l’Empereur ! »