Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxvj
INTRODUCTION

tempérament, n’y font rien. C’est l’homme tout entier avec ses passions, ses défaillances, ses victoires. Et voilà ce que notre poésie nationale doit à l’Humanité.

Mais il est certain que la race indo-européenne a marqué aussi de son cachet propre la Chanson de Roland et toute notre Épopée française : c’est ce qu’a éloquemment démontré M. d’Avril dans la belle Introduction de son Roland. L’idée de la lutte entre le Bien et le Mal revêt, dans les poëmes indo-européens, un caractère singulier de précision et de grandeur. C’est Rama luttant contre Ravana, Rustem contre les mauvais Génies, Sigurd contre le dragon Fafnir[1]. On peut aller jusqu’à dire que l’idée de la Chevalerie, qui fut si magnifiquement complétée par l’Église, est déjà ébauchée dans le Ramayana : « Les héros de la caste des guerriers, amis de leurs devoirs, pensent que l’arc n’est dans leurs mains que pour servir à la défense des affligés[2]. » Un troisième et dernier trait, signalé par M. d’Avril, c’est, dans toutes les œuvres de la race aryenne, « le respect de la femme et son importance dans la société[3] ». Idée de la lutte contre le Mal et les mauvais ; conception première de la Chevalerie ; noble rôle donné à la femme : voilà donc ce que nous pensons ici devoir à notre race...

Descendons encore, descendons plus avant. Fils de la grande famille indo-européenne, nous sommes aussi les membres d’un certain groupe de nations qui, au sein de cette race, ont les mêmes idées sur l’homme et sur Dieu, la même religion, le même culte. Nous avons la joie, nous avons l’honneur d’appartenir à cette partie de la race aryenne qui, grâce à la révélation chrétienne, a conquis la plénitude de la Vérité, et, pour dire la chose en un mot, qui est catholique. Nos Épopées doivent beaucoup à Jésus-Christ, à l’Église. Il n’y faudrait pas voir, avec M. Aroux, des poëmes profondément théologiques, dus à la plume de clercs savants. Nous avons démontré

  1. La Chanson de Roland, traduction nouvelle, avec une Introduction et des Notes, par Ad. d’Avril, 1865, in-8o, pp. 1 et 11.
  2. Ibid, p. xix.
  3. Ibid, p. xxii.