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LA CHANSON DE ROLAND

« — Ce n’est pas encore cette fois, répond Ganelon, que vous les vaincrez :
« Vous y perdrez des milliers de vos païens.
« Laissez cette folie, et tenez-vous à la sagesse.
« Donnez tant d’argent à l’Empereur,
« Que les Français en soient tout émerveillés.
« Envoyez-lui vingt otages...
« Charles s’en ira en douce France
« Et laissera derrière lui son arrière-garde.
« Je crois bien que son neveu Roland en fera partie,
« Avec Olivier, le courtois et le preux.
« Si vous voulez m’en croire, les deux comtes sont morts.
« Charles, par là, verra tomber son grand orgueil,
« Et n’aura plus envie de jamais vous combattre. »


XLIV


« — Beau sire Ganelon, dit le roi Marsile,
« Comment m’y prendrai-je pour tuer Roland ?
« — Je saurai bien vous le dire, répond Ganelon.
« Le Roi sera aux meilleurs défilés de Cizre ;
« Derrière-lui, il aura placé son arrière-garde.
« Là sera son neveu, le puissant comte Roland,
« Et Olivier, en qui il a tant de confiance ;
« Vingt mille Français seront avec eux.
« Lancez sur eux cent mille de vos païens,
« Qui engagent contre eux une première bataille.
« La gent de France y sera cruellement blessée :
« Je ne dis pas que les vôtres n’y soient mis en pièces.
« Mais livrez-leur un second combat :
« Roland ne pourra se tirer de l’un et de l’autre.
« Vous aurez fait par là belle chevalerie,
« Et n’aurez plus de guerre durant toute votre vie. »