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LA CHANSON DE ROLAND

« En vérité, dit Ganelon, pas un d’entre eux ne mérite ce blâme,
« Pas un, si ce n’est Roland. Mais il n’en tirera que de la honte.
« L’autre jour encore, l’Empereur était assis à l’ombre.
« Son neveu vint devant lui, vêtu de sa broigne :
« C’était près de Carcassonne, où il avait fait riche butin.
« Dans sa main il tenait une pomme vermeille :
« — Tenez, beau sire, dit-il à son oncle,
« Voici les couronnes de tous les rois que je mets à vos pieds. »
« Tant d’orgueil devrait bien trouver son châtiment.
« Chaque jour il s’expose, il s’abandonne à la mort.
« Que quelqu’un le tue : nous n’aurons la paix qu’à ce prix. »


XXX


« — Ce Roland, dit Blancandrin, est bien cruel
« De vouloir faire crier merci à tous les peuples
« Et mettre ainsi la main sur toutes les terres !
« Et sur quelle gent compte-t-il pour une telle entreprise ?
« — Sur les Français, répond Ganelon.
« Ils l’aiment tant qu’ils ne lui feront jamais défaut.
« Il ne leur refuse ni or, ni argent,
« Ni destriers, ni mules, ni vêtements de soie, ni riches armures :
« À l’Empereur lui-même il en donne autant que Charles en désire.
« Il conquerra le monde jusqu’à l’Orient. »


XXXI


Ils ont tant chevauché, Ganelon et Blancandrin,
Qu’ils ont fini par s’engager mutuellement leur foi.
Ce qu’ils poursuivent tous deux, c’est la mort de Roland.
Ils ont tant chevauché par voies et par chemins,
Qu’ils arrivent à Saragosse. Ils descendent sous un if...
À l’ombre d’un pin, il y a un fauteuil