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LA CHANSON DE ROLAND

« Tant de bons chevaliers mourir ! non, plutôt mourir seul.
« Vous, seigneurs, retournez en douce France.
« Saluez ma femme de ma part ;
« Saluez aussi Pinabel, mon ami et mon pair ;
« Et mon fils Baudouin, que vous savez.
« Défendez-le bien, et tenez-le pour votre seigneur… »
Alors Ganelon entre en sa voie, et s’achemine vers Saragosse.


L’AMBASSADE ET LE CRIME DE GANELON


XXVIII


Voilà Ganelon qui chevauche sous de hauts oliviers…
Il a rejoint les messagers sarrasins :
Blancandrin, pour l’attendre, avait ralenti sa marche.
Tous deux commencent l’entretien, tous deux y sont également habiles :
« Quel homme merveilleux que ce Charles ! s’écrie Blancandrin.
« Il s’est rendu maître de la Calabre et de la Pouille ;
« Il a passé la mer salée, afin de mettre la main sur l’Angleterre,
« Et il en a conquis le tribut pour saint Pierre.
« Mais pourquoi vient-il nous poursuivre chez nous ?
« — Telle est sa volonté, dit Ganelon,
« Et il n’y aura jamais d’homme qui puisse aller à l’encontre. »


XXIX


« — Quels vaillants hommes que les Français ! dit Blancandrin ;
« Mais vos comtes et vos ducs font très-grand tort
« À leur seigneur quand ils lui donnent tel conseil :
« Ils perdront Charles, et perdront les autres avec lui. »