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LA CHANSON DE ROLAND

« Droit empereur, me voici devant vous,
« Tout prêt à remplir votre commandement.


XXIII


« Je vois bien, dit Ganelon, qu’il me faut aller à Saragosse.
« Qui va là-bas n’en revient point.
« Sire, n’oubliez pas surtout que votre sœur est ma femme.
« J’en ai un fils ; il n’est pas de plus bel enfant.
« C’est Baudouin, qui promet d’être un preux.
« Je lui laisse mes terres et mes fiefs ;
« Gardez-le-bien, car je ne le reverrai plus de mes yeux.
« — Vous avez le cœur trop tendre, lui répond Charles.
« Quand je vous l’ordonne, il y faut aller. »


XXIV


« Ganelon, dit le Roi, avancez près de moi,
« Pour recevoir le bâton et le gant.
« C’est la voix des Francs qui vous désigne : vous l’avez entendue.
« — Non, répond Ganelon, tout cela est l’œuvre de Roland.
« Et plus jamais ne l’aimerai de ma vie.
« Et je n’aimerai plus Olivier, parce qu’Olivier est son ami.
« Et je n’aimerai plus les douze Pairs, parce qu’ils l’aiment.
« Et là, sous vos yeux, Sire, je leur jette mon défi.
« — C’est trop de colère, dit le Roi.
« Puisque je l’ordonne, vous irez.
« — J’y puis aller, mais je cours à ma perte,
Comme Basile et son frère Basan. »


XXV


L’Empereur tend à Ganelon le gant de la main droite ;
Mais le comte voudrait bien n’être point là.