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LA CHANSON DE ROLAND

« — J’y puis fort bien aller, s’écrie Roland.
« — Non, certes, répond le comte Olivier.
« Vous avez un cœur trop ardent et farouche ;
« Vous vous attireriez quelque bataille.
« J’irai plutôt, s’il plaît au Roi.
« — Taisez-vous tous les deux, répond l’Empereur ;
« Certes, vous n’y mettrez les pieds ni l’un ni l’autre.
« Par cette barbe blanche que vous voyez,
« J’entends qu’on ne choisisse point les douze Pairs. »
Les Français se taisent, les voilà cois.


XIX


Turpin de Reims se lève, sort de son rang :
« Laissez en paix vos Francs, dit-il à l’Empereur.
« Vous êtes depuis sept ans dans ce pays,
« Et vos barons n’y ont eu que travaux et douleurs.
« C’est à moi, Sire, qu’il faut donner le gant et le bâton.
« J’irai trouver le Sarrasin d’Espagne,
« Et verrai un peu comment est fait son visage. »
L’Empereur, plein de colère, lui répond :
« Allez vous rasseoir sur ce tapis blanc,
« Et ne vous avisez plus de parler, à moins que je ne vous l’ordonne. »


XX


« Chevaliers Francs, dit l’empereur Charles,
« Élisez-moi un baron de ma terre,
« Qui soit mon messager près de Marsile. »
« — Eh ! dit Roland, ce sera Ganelon, mon beau-père.
« — Il remplirait fort bien ce message, s’écrient tous les Français,
« Et, si vous le laissez ici, vous n’en trouverez pas un meilleur. »
Le comte Ganelon en est tout plein d’angoisse ;