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LA CHANSON DE ROLAND

Et le duc Roland y est venu avec eux,
Suivi du noble et vaillant Olivier.
Il y a là plus de mille Français de France.
On y voit aussi Ganelon, celui qui fit la trahison.
Alors commence ce conseil de malheur.


XIII


« Seigneurs barons, dit l’empereur Charles,
« Le roi Marsile vient de m’envoyer ses messagers.
« Il me veut donner une grande part de tout ce qu’il possède,
« Des ours, des lions, des lévriers enchaînés,
« Sept cents chameaux, mille autours après leur mue,
« Quatre cents mulets chargés d’or arabe,
« Plus de cinquante chars tout chargés.
« Mais il y met cette condition : c’est que je retourne en France.
« Il s’engage à me rejoindre dans mon palais d’Aix,
« Pour y recevoir notre loi, qui est la loi du salut.
« Il se fera chrétien et tiendra de moi ses Marches.
« Mais en a-t-il vraiment l’intention, c’est ce que je ne sais pas. »
« — Prenons bien garde, » s’écrient les Français.


XIV


L’Empereur a fini son discours.
Le comte Roland, qui ne l’approuve point,
Se lève, et, debout, parle contre son oncle :
« Croire Marsile, ce serait folie, dit-il au Roi.
« Il y a sept grandes années que nous sommes entrés en Espagne.
« Je vous ai conquis Commible et Nobles ;
« J’ai pris Valtierra et la terre de Pine,
« Avec Balaguer, Tudela et Sebilie.
« Mais, quant au roi Marsile, il s’est toujours conduit en traître.