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LA CHANSON DE ROLAND


IX


Blancandrin, le premier, prend la parole,
Et dit au Roi : « Salut au nom de Dieu,
« Du Glorieux que vous devez adorer !
« Voici ce que vous mande Marsile, le roi-baron :
« Après avoir bien cherché comment il pourrait se sauver,
« Il veut largement partager ses trésors avec vous.
« Vous aurez des lions, des ours, des lévriers enchaînés,
« Sept cents chameaux, mille autours après la mue,
« Quatre cents mulets chargés d’argent et d’or,
« Cinquante chars que vous remplirez de ces richesses.
« Vous aurez tant et tant de besants de l’or le plus fin,
« Que vous en pourrez payer tous vos soldats.
« Mais il y a trop longtemps que vous êtes en ce pays,
« Et vous n’avez plus qu’à retourner en France, à Aix.
« Mon maître vous y suivra ; c’est lui-même qui vous le promet. »
L’Empereur élève alors ses deux mains vers Dieu ;
Il baisse la tête et commence à penser.


X


L’Empereur demeurait là, tête baissée ;
Car jamais sa parole ne fut hâtive,
Et sa coutume était de ne parler qu’à loisir.
Quand enfin il se redressa, la fierté éclatait sur son visage :
« Vous avez bien parlé, dit-il aux messagers.
« Il est vrai que le roi Marsile est mon grand ennemi.
« Mais enfin ces paroles que vous venez de prononcer,
« Dans quelle mesure puis-je m’y fier ?
« — Vous aurez des otages, répond le Sarrasin ;
« Nous vous en donnerons dix, quinze ou vingt.