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LA CHANSON DE ROLAND

Pas un païen, pas un ne répond un seul mot,
Excepté Blancandrin, du château de Val-Fonde.


III


Blancandrin, parmi les païens, était l’un des plus sages,
Chevalier de grande vaillance,
Homme de bon conseil pour aider son seigneur :
« Ne vous effrayez point, dit-il au Roi.
« Envoyez un message à Charles, à ce fier, à cet orgueilleux ;
« Promettez-lui service fidèle et très-grande amitié.
« Faites-lui présent de lions, d’ours et de chiens,
« De sept cents chameaux, de mille autours qui aient mué ;
« Donnez-lui quatre cents mulets chargés d’or et d’argent,
« Tout ce que cinquante chars peuvent porter :
« Le roi de France enfin pourra payer ses soldats.
« Mais assez longtemps il a campé dans ce pays.
« Il est bien temps qu’il retourne en France, à Aix.
« Vous l’y suivrez, — direz-vous, — à la fête de saint Michel ;
« Et là, vous vous convertirez à la foi chrétienne.
« Vous serez son homme en tout bien, tout honneur.
« S’il exige des otages, eh bien ! vous lui en enverrez
« Dix ou vingt, pour avoir sa confiance.
« Oui, envoyons-lui les fils de nos femmes.
« Moi, tout le premier, je lui livrerai mon fils, dût-il y mourir.
« Mieux vaut qu’ils y perdent la tête
« Que de nous voir enlever nos biens et notre joie,
« Et d’être réduits à mendier !


IV


« Par ma main droite que voici, dit Blancandrin,
« Et par cette barbe que le vent fait flotter sur ma poitrine,