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INTRODUCTION

soigneux, dans le même temps et dans le même dialecte. Chacune de nos corrections a, du reste, été longuement raisonnée dans nos Notes et variantes, où nous avons partout indiqué les leçons exactes du manuscrit d’Oxford. Le lecteur sera donc à même de contrôler un travail que nous sommes le premier à entreprendre. Il décidera si nous avons été trop téméraire ; il n’oubliera pas les extrêmes difficultés et délicatesses de cette partie de notre œuvre ; il sera indulgent pour nos erreurs.

Le texte d’Oxford présente des lacunes considérables qui ont été, pour la plupart, signalées par M. Müller. Nous les avons comblées à l’aide de nos Remaniements et du manuscrit le plus ancien de Venise. Le plus difficile était ici de restituer un texte conforme aux lois de la grammaire et du dialecte. Nous avons tenté cette restitution pour plus de deux cents vers que nous avons ajoutés au texte de la Bodléienne. Mais nous n’avons pas osé faire ces additions dans le corps même de notre texte ; nous les avons reléguées dans nos notes. C’est encore la première fois que cette tâche est entreprise d’après cette méthode.

Pour notre traduction, nous avions à choisir entre deux systèmes. MM. Génin et A. de Saint-Albin avaient franchement traduit notre Chanson en prose, en « simple prose », et le premier (on n’a jamais bien su pourquoi) s’était servi, à cet effet, de la langue du xvie siècle. MM. Jonain et Lehugeur ont, tout au contraire, adopté les vers rimés. M. d’Avril, dont nous avons déjà loué le travail, témoigna d’une plus vive intelligence de son sujet : « Le Rhythme est un caractère essentiel qu’il ne faut pas enlever au Roland. Traduisons-le vers par vers, en décasyllabes. La rime serait d’une difficulté vraiment excessive et nous conduirait aux platitudes. Supprimons la rime et conservons le rhythme. » De là cette bonne et nerveuse traduction de M. d’Avril, laquelle est en vers blancs. J’avoue qu’une telle méthode a d’inappréciables avantages, et qu’elle nous a séduit. Mais nous n’avons pas été longtemps à nous prouver que cette méthode, très-favorable au sentiment du rhythme, ne l’était pas à l’exactitude de la couleur. Or, la couleur, c’est le seul style du Roland. Il est tel vers qu’on traduit plus exactement en vingt