Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.
clxxiij
HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

cervelle mieux ordonnée ! C’est le Francisque Michel de la Belgique. Quoi qu’il en soit et comme nous venons de le dire, le Francisque Michel de la France se trouvait, en 1835 et 1836, fort encouragé dans ses travaux sur le Roland. Un homme éminent, et dont on trouve le nom mêlé à tant de grandes choses, M. Guizot, comprit toute l’importance de notre Chanson et désira la voir publiée en son texte original. Il donna une mission à M. F. Michel. Ces missions littéraires, on en a singulièrement abusé, et elles sont à peu près devenues ridicules. Aucune ne fut plus utile que celle de M. Francisque Michel en 1835. Il s’installa à la Bodléienne d’Oxford, plaça devant lui le fameux manuscrit 23 du fonds Digby, copia notre vieux poëme, et, moins de deux ans plus tard, fit paraître la première édition de notre grande Épopée nationale. Grâces en soient rendues à Dieu, dont la Providence s’étend aux études littéraires : c’est un Français qui eut cette gloire et non pas un Allemand !

Cette première édition[1], il est aujourd’hui trop facile de la critiquer, après trente-trois ans de nouvelles recherches et de travaux approfondis dus aux savants de toute l’Europe. Il est aisé sans doute d’y relever des erreurs de lecture, de restitution, de critique. Mais je dirai bien haut qu’elle mérite le respect, et il y aurait de l’ingratitude à ne pas lui rendre justice. Elle est d’ailleurs beaucoup plus soignée que les dernières œuvres de M. F. Michel. Dans une longue Préface, l’auteur essaie de montrer quels sont les fondements historiques de la légende ; puis, il fait une utile revue de travaux dont elle a été l’objet, réfute l’abbé de la Rue, discute la question du chant que Taillefer

  1. La Chanson de Roland ou de Roncevaux, du xiie siècle, publiée pour la première fois d’après le manuscrit de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford, par Fr. Michel, Paris, 1837, in-8o. Le titre porte bien cette date de « 1837 » ; mais les bonnes feuilles en furent sans doute distribuées dès 1836, et peut-être même à la fin de 1835. C’est ainsi du moins que nous expliquons la date de l’article de M. Raynouard sur l’édition de Fr. Michel, qui parut, en février 1836, dans le Journal des Savants, et d’un autre article publié, en 1836, dans le Bulletin du Bibliophile.