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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

F. Wolf[1] parla de la Chanson de Roland, comme beaucoup de Français ne savent pas en parler en 1870. Il s’agissait toujours de nos Remaniements. Mais déjà, ô bonheur ! on était sur la trace du texte original, et ce sera le grand honneur de M. F. Michel d’avoir vaillamment suivi cette piste. Vingt travaux, d’ailleurs, le tenaient en haleine. Un débat intéressant s’élevait, en France, sur la versification de nos vieux poëmes, et Raynouard[2] cherchait à réfuter les idées de l’abbé de la Rue sur la rythmique de la Chanson de Roland. Cette fois, c’était bien notre version primitive qui était en jeu, et, en effet, l’abbé de la Rue en avait publié presque involontairement quelques couplets. Même il avait prononcé le nom de « Turold » et déclaré que la famille de ce poëte était normande[3]. Le poëte lui-même figure, disait-il, sur la tapisserie de Bayeux. Deux ans après, paraissait le tome xviii de l’Histoire littéraire[4], où M. Amaury Duval consacrait à « Turold, auteur du Roman de Roncevaux », un très-médiocre article, mais où du moins il avait le mérite d’appeler « épopée » notre Chanson. Épopée ! c’était presque un blasphème, et les classiques, les purs, durent se voiler la face. M. F. Michel, qui a eu le tort de ne pas suivre assez exactement le mouvement de la science en Allemagne, ne pouvait cependant ignorer que le célèbre Gervinus parlait longuement du Ruolandes Liet dans son Histoire de la poésie nationale en Allemagne[5]. À coup sûr, il ne demeurait pas étranger à la fameuse polémique sur ce fameux chant d’Altabiscar qui est l’œuvre d’un faussaire très-spirituel, mais enfin d’un faussaire[6]. Tout encourageait M. F. Michel. Le goût du

  1. Über die neuesten Leistungen der Franzosen für die Herausgabe ihrer Nationalheldengedichte. Wien, 1833, in-8o.
  2. Journal des Savants, no de juillet 1833.
  3. L’abbé de la Rue, Essais historiques sur les bardes, les jongleurs et les trouvères anglo-normands, 1834.
  4. En 1835.
  5. Geschichte der poetischen Nationallitteratur der Deutschen. Leipzig, 1835, in-8, t. I, pp. 146-152.
  6. V. sur le « Chant des Escualdunacs », le Dictionnaire de la conversation et de la lecture, t. XIII, p. 25, et surtout le Journal de l’Institut historique,