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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

tence de cantilènes nationales dont notre Roland aurait été le héros. Le faux Turpin ne l’arrête pas, et il lui dit nettement son fait. Le roman original, à ses yeux, est antérieur à la chronique, et non pas la chronique au roman. Bien qu’il ne connaisse pas la rédaction primitive de notre Chanson, M. Monin avoue volontiers que ce texte précieux n’est pas celui dont il fait l’objet de son travail. Et, devançant de plusieurs années les érudits de son temps, il ajoute que les peintures exactes de la vie féodale se trouvent dans ces œuvres trop dédaignées de la littérature de nos pères. C’est par là que finit la Dissertation sur le Roman de Roncevaux. L’auteur est bien loin de tout savoir, mais il a tout entrevu ; et c’est ce qui donne tant d’importance à cette humble brochure, à ces 116 pages. C’est ce qui nous amène aussi à la regarder comme l’œuvre capitale et caractéristique de cette première période que nous avons appelée « époque de préparation ou d’intuition ». Mais cette histoire externe de notre Chanson au XIXe siècle ne fait guère que commencer, et voici que nous entrons dans une seconde époque qui sera moins longue et plus décisive…


XVII. — suite du précédent


L’œuvre capitale de cette seconde période est l’édition de la Chanson de Roland, que M. F. Michel donna en 1837. Mais nous ne sommes encore qu’en 1832 et, avant cette publication d’une importance si considérable, il s’écoulera cinq années pleines de faits, pleines d’œuvres. Les quelques pages de l’élève de l’École normale avaient eu de l’écho, et l’on en parla longtemps dans le petit cénacle des érudits qui s’étaient voués à l’étude du Moyen âge. M. F. Michel consacra à la Dissertation de M. Monin un Examen critique[1], où il signalait, avec quelque

  1. Examen critique de la Dissertation de M. H. Monin sur le Roman de Roncevaux, par Fr. Michel, Paris, Silvestre, 1832. — Avait paru d’abord dans le Cabinet de lecture.