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INTRODUCTION

que téméraires, MM. Michelet et Quinet, étaient bien faits pour entraîner l’opinion vers la littérature abandonnée du Moyen âge. Tous deux aimaient ardemment la France, et le Moyen âge ne leur semblait pas encore haïssable. L’un écrivit sa Lettre sur les Épopées du Moyen âge[1], dans cette Revue des Deux Mondes qui a si vaillamment secondé à cette époque la lutte en faveur de nos antiquités littéraires ; l’autre, plus officiel, publia son Rapport au Ministre de l’instruction publique sur les Épopées françaises du xiie siècle, restées jusqu’à ce jour en manuscrit dans les Bibliothèques du Roi et de l’Arsenal[2]. Cependant M. Bourdillon travaillait toujours à son édition du Roncevaux, et c’est ce que constate, en 1831, M. Paulin Paris, dans sa Lettre à M. de Monmerqué sur les romans des douze pairs de France[3]. Mais, comme on le voit, tant de travaux n’avancent point la grande question. Ce ne sont là que des préludes ou, pour mieux dire, des balbutiements. Personne encore n’a eu l’audace de regarder notre Épopée en face. C’est un Français qui eut cette hardiesse en 1832. Il était d’une École où l’on n’a jamais appris à estimer la littérature du Moyen âge : son initiative n’en fut que plus méritoire. Nous ne pouvons jamais ouvrir, sans quelque émotion, cette brochure de M. Monin, « élève de l’École normale », qui porte la date de 1832 et est modestement intitulée : Dissertation sur le Roman de Roncevaux[4]. L’auteur, je le sais, ne connaît pas le texte d’Oxford et donne au texte de Paris, à ce remaniement, une importance qu’il ne peut avoir, qu’il n’a point. Mais enfin il l’analyse ; mais il lui trouve une date à peu près exacte. Il va plus loin, il s’élève jusqu’à la notion des légendes rolandiennes qui circulaient oralement aux ixe et xe siècles ; il admet l’exis-

  1. Revue des Deux Mondes, juillet 1831.
  2. Ce Rapport fut publié dans le tome xxvii de la Revue de Paris, 1831, pp. 129-142. Il donna lieu, dans le journal le Temps, à une polémique entre MM. P. Paris et Edg. Quinet.
  3. 20 décembre 1831. Mais, en réalité, cette lettre ne parut qu’en 1832, en tête de la Berte aux grands pieds, de M. P. Paris.
  4. « Imprimée par autorisation du Roi à l’Imprimerie royale, Paris, 1832. » C’est une plaquette in-octavo de (4)-116 pages.