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INTRODUCTION

leur consécration classique ; on les codifia ; on leur donna leur formule définitive. Les qualités littéraires des premiers Renaissants, la verve, la grâce, la fécondité, furent remplacées par une gravité qui ne les valait pas. La possibilité d’une littérature, d’une poésie chrétiennes fut niée en principe par Boileau et par tout son temps, et il fut proclamé que décidément Dieu n’est pas assez poétique. Quant aux héros français, il ne pouvait en être question pour une Épopée. Leurs noms n’étant pas suffisamment doux, on les jeta à la porte de la poésie française, et il fut admis par tous les gens de bien que la prise de Troie était un sujet inépuisable, et qu’en fait de nationalité, il nous restait à chanter uniquement celle des Grecs et des Romains. Aussi, furent-ils couverts des épigrammes les plus fines, ces auteurs ridicules qui s’obstinèrent à trouver Charlemagne épique. Un Louis le Laboureur ne s’avisa-t-il pas d’écrire un poëme héroïque qui portait précisément ce titre malheureux : Charlemagne[1]. Il est vrai qu’il est plein d’adulations et même de platitudes à l’adresse du grand Roi. Et puis, il est si médiocre, si médiocre ! Et à quoi pensait ce pauvre Courtin qui, en l’espace de deux ou trois ans, publia deux autres poëmes sur le grand Empereur ? Le seul titre de ces billevesées[2] jetait Boileau en des indignations bien légitimes… Par bonheur, les Italiens faisaient encore goûter un peu leur littérature aux Français, et la poésie de Boiardo et de l’Arioste exerçait quelque influence parmi nous. Il faut que je remercie Quinault d’avoir osé prendre Roland pour sujet d’un de ses opéras, en 1685[3]. Il fit preuve par là d’un bon

  1. Charlemagne, poëme héroïque, à S. A. Sérénissime Mgr le Prince, par Louis le Laboureur, bailly du duché de Montmorency ; à Paris, chez Louys Billaine…, 1664, avec privilége.
  2. Charlemagne, ou le Rétablissement de l’Empire romain (1666). — Charlemagne pénitent (1668).
  3. « Roland, tragédie représentée pour la première fois devant Sa Majesté, à Versailles, le huitième janvier 1685, par l’Académie royale de musique, et remise au théâtre le quinzième novembre 1709. » À Paris, chez Christophe Ballard, seul imprimeur du Roy pour la musique, rue Saint-Jean-de-Beauvais, au Mont-Parnasse, mdccix. Avec privilége de Sa Majesté. Le prix est de « trente sols ». ═ Les personnages du Prologue sont : « Demogorgon,