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INTRODUCTION

préciser l’époque à laquelle elles furent primitivement composées. Si nous n’en possédons pas aujourd’hui dont la forme soit antérieure au xve siècle, il est très-certain que quelques-unes, par leur fond, peuvent remonter deux siècles plus haut. Eh bien ! c’est parmi ces Romances que l’on va saisir en flagrant délit les divergences des Espagnols au sujet de Roncevaux. Il est, en effet, deux classes bien distinctes de Romances : celles qui sont espagnoles, et celles qui sont françaises d’inspiration. Les premières, comme le Mala la visteis, Franceses, appartiennent au


    mances de F. Wolf et C. Hoffmann, le t. I, 26-47 et le t. II, 313 : Domingo era de ramos, etc. — Cf. le Romancero d’Aug. Durant, II, pp. 229-243, et le Romancero general, I, p. 261). ═ Il faut lire dans les Vieux auteurs castillans du comte de Puymaigre (II, pp. 323-325), le chapitre très-intéressant sur les Romances du cycle carolingien. Nous lui avons déjà emprunté (Épopées françaises, II, p. 417) la traduction de la romance : En Paris esta dona Alda, que notre lecteur voudra sans doute rapprocher du récit touchant de la mort d’Aude, dans notre vieille Chanson française : « A Paris est doña Alda, la fiancée de don Roland. Trois cents dames sont avec elle pour l’accompagner. Toutes portent mêmes chaussures, toutes mangent à une même table, toutes mangent du même pain à l’exception de doña Alda, qui est supérieure à toutes. Cent dames filent de l’or, cent tissent de la soie, cent touchent des instruments pour réjouir doña Alda. Au son des instruments, doña Alda s’est endormie. Elle a fait un songe, un songe douloureux. Elle se réveille toute troublée et avec une épouvante très-grande. Elle pousse de tels cris qu’on les entend par la ville. Alors parlèrent ses demoiselles ; écoutez bien ce qu’elles dirent. « Qu’est-ce que cela, Madame ? Qui vous a fait mal ? — « J’ai fait un songe, Demoiselles, qui me donne un grand chagrin. Je me voyais sur une hauteur, dans un lieu désert. Sur les montagnes fort élevées, je vis voler un autour ; derrière lui venait un aiglon qui le serrait de près. L’autour, avec crainte, se mit sous ma jupe ; l’aiglon, avec colère, l’en tira. Il le plumait avec ses serres, il le perçait avec son bec. » Alors parla sa camériste ; vous écouterez bien ce qu’elle dira : « Ce songe, Madame, je veux vous l’expliquer. L’autour est votre fiancé, qui vient d’outre-mer ; l’aigle, c’est vous, avec laquelle il a à se marier ; la montagne, c’est l’église où l’on doit vous unir. — S’il en est ainsi, ma camériste, j’entends te bien récompenser. » Le lendemain matin on apporta une lettre écrite en dedans et en dehors, écrite avec du sang. Elle disait que son Roland était mort à la bataille de Roncevaux. » — Nous citions à la suite de cette romance une traduction du Domingo era de ramos et renvoyions notre lecteur au Per muchas partes que le P. Tailhan a traduit (Études religieuses, VIII, p. 41), et où l’on voit Roland tomber mort à Roncevaux, mort de douleur, dès qu’il aperçoit le visage désespéré de son oncle Charlemagne.