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INTRODUCTION

néerlandais, dont la langue, après tout, n’est qu’un dialecte allemand.

Là encore notre légende a traversé les mêmes phases que dans le pays même où elle était née. Le texte primitif de la Chanson de Roland, celui que nous éditons aujourd’hui, a été reproduit assez exactement et parfois même résumé (la chose est assez rare) en deux fragments, qu’a publiés M. Bormans[1]. Les deux autres fragments[2], publiés par le même érudit[3], se rapportent à nos remaniements. C’est ce qu’a nettement démontré M. G. Paris[4] contre les prétentions ultra-belges de M. Bormans. Un petit livre néerlandais du xvie siècle, la Bataille de Roncevaux[5], répond fort exactement aux versions en prose de nos manuscrits et de nos incunables. Seulement, cette œuvre, qui fut très-profondément populaire, est mêlée de poésie et de vers, et l’influence du faux Turpin s’y fait sentir en même temps que celle de notre vieux poëme. Tel a été le destin du Roland aux Pays-Bas. Nous constaterons bientôt qu’il a subi, en Italie et en Espagne, des péripéties analogues. Et c’est peut-être le cas de faire ici remarquer par avance combien cette popularité universelle de notre Roland chez tous les peuples, sous tous les cieux et par tous les climats, est contraire à cette méchante doctrine de Taine sur l’influence presque absolue de

  1. Les fragments L. et H., xiiie siècle. Nous avons traduit pour la première fois, dans nos Épopées françaises (t. II, p. 415), une partie du texte de Looz. Nous ne jugeons pas utile d’en traduire ici un autre passage. La version flamande manque de toute originalité. Si elle est plus brève que notre vieux poëme, c’est qu’elle en est un abrégé.
  2. Les fragments R. et B., xive siècle.
  3. La Chanson de Roncevaux, fragments d’anciennes rédactions thioises, avec une Introduction et des remarques, par J. H. Bormans, Bruxelles, 1865, in-8o.
  4. Bibliothèque de l’École des Chartes, mars, avril 1865, t. XXVI, p. 384 et suivantes.
  5. Hier beghint den droeflijcken strijt opten berch van den Roncevale in Spaengien gheseiet, daer Roelant end Olivier metten fleur van Kerstenryck verslagen waren, 1576. Le Privilége est de 1552. V. G. Paris, l. I., p. 137. ═ Toutes ces œuvres néerlandaises manquent de caractère littéraire : c’est ce qui nous décide à n’en traduire aucune.