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INTRODUCTION

M. Hugo Meyer, dont nous avons déjà signalé plus haut les hardiesses étranges, ne craint pas d’affirmer que ce sont très-probablement les colonnes d’Irminsul, détruites par le Christianisme[1]. Un autre érudit (mais français, celui-là) allègue l’usage où furent les Germains (?) d’ériger dans leurs plaids des statues de rois et de héros : « C’était un signe de juridiction indépendante. » M. Génin, avec son bon sens mêlé de malice et de pénétration, prétend que ces statues ont été appelées des Rolands parce qu’elles étaient colossales, et que le peuple, au lieu de dire : « Un géant, » disait : « Un Roland. » Il me semble que M. G. Paris a dit toute la vérité lorsqu’il a fait observer qu’il n’y a pas d’identité réelle entre ces statues et Roland ; qu’en effet, ce nom de Rolandssaülen n’est donné nulle part à ces colonnes avant la fin du Moyen âge ; que ces monuments représentent un personnage symbolique ; qu’il suffit, enfin, que les statues en question aient représenté un guerrier armé pour qu’on y ait reconnu Roland à l’époque où ce nom fut si profondément populaire ; que cette assimilation a d’abord été faite en une seule ville, et que ce nom de Rolandssaülen a, comme une contagion, gagné toutes les villes voisines. Voilà qui est sagement raisonné. Donc, ces statues, par là même qu’elles ne représentent pas réellement notre Roland, attestent sa popularité. Pour bien d’autres statues, c’est tout le contraire.

    (fin du xviie siècle), in-4o. — c. J. H. Eggeling, De Statuis Ruhlandicis (Dissert. miscellan. Germaniæ antiquitatum quinta), sans lieu, 1700. — d. Second Voyage littéraire de deux religieux bénédictins (p. 250, sur la statue de Roland à Stadtberg), 1724. — e. J. F. Pfeffinger, Corpus juris publici (t. II, lib. I, tit. xviii, § 15, p. 822-827), Francf. ad Mœnum, 1754, in-4o. — f. Encyclopédie de d’Alembert et Diderot, au mot Roland. — g. Fr. Michel, la Chanson de Roland, première édition, 1837, in-8o, p. 213. — h. F. Génin, la Chanson de Roland, 1851, in-8o (Introduction, p. 22). — i. Zœpfl, Die Rolandssaülen, 1861. — j. Dr Hugo Meyer, Abhandlung über Roland, Brême, 1868. — k. G. Paris, Article de la Revue critique du 11 février 1870, sur l’œuvre du Dr Meyer.

  1. « Il existe des piliers ou colonnes tout analogues appelées Tiodute ou colonnes de Tio (le même qu’Irmin). Or Rodo n’est qu’un surnom de Tio ou d’Irmin. Donc, ce sont les « piliers d’Irmin » qui ont persévéré sous le nom de Rolandssaülen. » Tel est le résumé de la doctrine de M. Hugo Meyer.