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INTRODUCTION

les peuples, à toutes les époques. On les insère tant bien que mal dans le tissu du récit épique, qui maintenant est complet. Désormais l’Épopée a toutes ses conditions de vie : elle est.

En résumé, l’Épopée naît à une époque primitive, au sein d’un peuple religieux, militaire et chanteur. Il convient qu’elle possède un grand fait historique qui soit le centre d’une légende profondément nationale ; il lui faut enfin mettre la main sur un héros qui représente exactement tout un temps et tout un peuple. Le fait historique qui sert de base à l’Épopée devra en outre être amplifié par les exagérations populaires, et, à côté du héros réel, le peuple ne tardera point à placer vingt héros imaginaires, qui sont les types immortels de l’Amitié, de l’Amour, et surtout de la Trahison et du Mal…[1].

Voyons si toutes ces conditions ont été remplies par l’Épopée française, et en particulier par notre Chanson de Roland.


III. — comment est né notre roland


S’il faut à l’Épopée, pour se produire librement, une époque primitive et simple ; s’il lui faut des générations éprises de la légende et auxquelles le sens critique soit presque absolument

  1. Sur l’origine et la composition de l’Épopée, cf. l’Histoire poétique de Charlemagne, par G. Paris, pp. 1-10 : « L’Épopée n’est autre chose que la poésie nationale développée, agrandie et centralisée… C’est une narration poétique fondée sur une poésie nationale antérieure… Elle se compose essentiellement de quatre choses : les Faits, — l’Idée, — les Personnages, — la Forme. Les Faits et les Personnages doivent être fournis par la tradition nationale. L’Idée offre déjà plus de champ à l’action personnelle : l’idée d’une épopée est, en effet, religieuse et morale. La prédominance d’un de ces aspects sur l’autre, le développement même de ces idées permet au poëte de marquer son sujet de son empreinte. Toutefois, dans leur essence, elles lui sont fournies par la nation, et il ne peut être infidèle à la direction générale qu’elle lui indique. Enfin la Forme, tout en étant aussi déterminée par la poésie antérieure, laisse au talent du poëte une grande liberté de se manifester… » (pp. 3, 4, 5.)