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INTRODUCTION

vaillamment en chemin, parcourt le monde, traverse mille aventures et, malgré mille obstacles, parvient à retrouver Olivier… sur le champ de bataille de Roncevaux, où l’ami de Roland est sur le point d’expirer. De là, notre prosateur prend l’occasion de narrer la grande bataille, la trahison de Ganelon et le reste. Dans les Incunables et la Bibliothèque bleue, on ira jusqu’à raconter longuement le jugement et l’écartellement du traître. Ce très-médiocre roman a eu un singulier destin : sa popularité a survécu, elle survit encore à celle de notre vieux poëme et de la plupart de nos Chansons de geste. Et, encore aujourd’hui, c’est l’un des trois ou quatre livres de la Bibliothèque bleue qui circulent dans nos campagnes. C’est surtout par Galien le restauré que nos paysans connaissent Roncevaux et Roland ; c’est par cette caricature qu’ils connaissent une des plus grandes figures de la légende et de l’histoire. Voilà cependant ce qu’il y a de plus original dans tous nos Romans en prose où Roland tient quelque place. David Aubert rapporte, d’après les sources latines, les commencements de la grande expédition d’Espagne ; mais, à partir de la trahison de Ganelon, il ne fait guère que traduire ou plutôt délayer les remaniements de notre vieux poëme. Dans le Fierabras ou la Conqueste du grant roi Charlemaine des Espaignes, le translateur, après avoir traduit le Miroir historial et développé Fierabras, consacre rapidement quelques chapitres à la défaite de Roncevaux, et se contente d’y résumer le Faux Turpin. La première partie du Charlemagne et Anséis, que nous avons été le premier à mettre en lumière, n’est encore qu’une traduction assez pâle de ce document apocryphe, et, dans les deux derniers chapitres de Guerin de Montglane, on n’est également remonté qu’aux sources latines. Hélas !

Et voilà tout ce que la légende de Roland a obtenu de nos romanciers des xve et xvie siècles. Roland a été moins heureux que les quatre fils Aimon et Huon de Bordeaux. Ceux-là, du moins, ont attaché leurs noms à des œuvres populaires qui leur sont uniquement consacrées. Mais avoir commencé par la Chanson de Roland, et finir par Galien !