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métropole du genre humain, aussi bien faite pour Homère que pour Dante, pour Alexandre que pour Charlemagne, pour Phidias que pour Raphaël, pour Triptolème que pour Watt, pour Aristote que pour Lavoisier, où l’hiérophante, le mage, le pontife, le prêtre, l’iman se réunissent dans un hymne commun, immense acclamation du fini devant l’infini !

Ce sera le temple de la Raison, non pas comme l’entendaient les révolutionnaires voltairiens, c’est-à-dire la Raison négative et stérile, mais bien le temple de la Raison affirmative et féconde : certes, l’heure est bien choisie pour élever un pareil monument. L’humanité se résume au moment de s’élancer vers le nouvel avenir que lui ouvrent les inventions modernes. Le monde de l’imprimerie, de la poudre à canon, de la vapeur et de l’électricité n’est pas réalisé encore, et la face des civilisations va être renouvelée.

Le Panthéon de Chenavard sera donc comme une espèce d’encyclopédie de l’art renfermant le passé et le présent, déjà illuminé par l’aube de l’ère future. Historien des religions anciennes, il est le prophète de la religion nouvelle, le règne de la Raison, dernière et suprême évolution de l’humanité.

Avantage qui n’est pas à dédaigner dans ce temps où les gouvernements se chassent comme des vagues sur la rive, ni la royauté, ni la république, ni la dictature, ni le despotisme n’ont rien à rayer sur ses murailles. Aucun fait crûment contemporain n’y pourrait choquer les aversions ou les rancunes d’un régime quelconque. Certes rien n’était plus facile que de couvrir ces vastes surfaces de sujets irritants et de flatteries peintes à l’adresse du jour. Il ne