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vraiment intelligent, vraiment grand, vraiment beau, est éternel et général.

La terre n’est pas déjà si vaste et le temps si considérable pour découper l’une en petites parcelles et l’autre en périodes mesurées : pour satisfaire notre soif, qu’est-ce qu’une coupe de six mille ans remplie de vin d’un millier de peuples, la pensée d’une vingtaine de poëtes et les rêves théogoniques de sept ou huit révélateurs ? Plus de Walhallahs, plus de musée de Versailles ! Que les héros prennent leur place dans le chœur général de l’humanité et se classent par la porportion [sic] : tant pis pour ceux qui ne peuvent supporter le voisinage ! Ceux qui n’étaient grands qu’à leur époque et dans leur endroit sont petits. César est à Paris, et en dix-huit cent quarante-huit, aussi intéressant que le jour où il a passé le Rubicon. Sa taille n’est pas diminuée d’une ligne et sa gloire n’a pas un rayon de moins malgré le lever de l’astre napoléonien.

La France n’a pas fourni toutes les figures de la composition de Chenavard, mais elle tient magnifiquement son rang dans cette immense assemblée de toutes les civilisations et de toutes les gloires : les Chinois seuls peuvent croire qu’ils occupent le centre de l’univers et que, hors l’Empire du Milieu, tout n’est que stupidité et barbarie.

L’impartialité que l’artiste a montrée pour les nations et pour les hommes, il l’a montrée pour les religions qui ne sont, à vrai dire, sous la variété de leur symbolisme, que l’expression de la même pensée. Toute religion se réduit philosophiquement à trois points : une théurgie, une cosmogonie, une morale, c’est-à-dire l’explication de l’être ou des être divins, de la création des choses et de la conscience. Au point de vue abstrait, les noms des huit ou