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hirondelles, avec une grâce aérienne exquise. La plupart des morts, au sortir de leurs tombeaux, sont couronnés par les mains célestes. Le peintre, comme vous pensez bien, n’a pas oublié le vieux Florentin, objet de son admiration particulière. Anticipant sur la décision de Dieu, il lui fait poser sur le front, par trois grands anges, la couronne de son triple génie, sans attendre qu’il soit tout à fait débarrassé des plis de son linceul.

Plus au fond, à gauche, passe un char traîné par des colombes ; c’est celui de l’Amour qui s’unit à Psyché par un baisé éternel. Autour des immortels amants, de petits archers lancent des flèches à travers un nuage mystérieux qui, en s’entr’ouvrant par intervalles, laisse apercevoir des groupes amoureux moins éthérés que ceux admis au paradis de la Vierge. Des amours ailés entraînent et poussent même sous le nuage un couple plus passionné que les autres ; le mystère s’étend sur leur extase.

Ainsi le peintre qui nous a fait entre avec lui dans l’Enfer, le Purgatoire et les Champs-Elysées, n’a pu ici nous mener plus loin. Les images manquent pour peindre le bonheur ; l’imagination, hélas ! se refuse aux chimères heureuses : l’on trouve cent supplices pour un plaisir.

L’amour immatériel, l’amour pur, accord parfait de l’âme, sont les plus hautes jouissances qu’on puisse rêver ici-bas : la Vierge au seuil du Paradis est le type de l’amour mystique, de l’aspiration idéale ; Cupidon s’unissant à Psyché représente la seconde espèce d’amour, qui, moins subtil, n’en est pas moins noble et divin.

Dans la pensée de l’artiste, l’Enfer c’est l’envie, le Purgatoire le doute, l’Elysée l’intelligence, le Paradis l’amour. – Chacun, après sa mort, a ce qu’il cherche dans sa vie :