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Près de la rotonde du banquet, des enfants de dix ou douze ans dansent au son d’une musique exécutée par de belles jeunes femmes à qui Mozart et Haydn retournent les feuillets. Le premier plan est occupé par une magnifique fontaine qui est celle de Jouvence. Là se baignent les vieillards qui veulent redevenir enfants. Les différentes phases de la métamorphose sont rendues de la façon la plus pittoresque : on voit la jeunesse envahir ces membres flétris et les roses du printemps refleurir sur ces joues parcheminées ; le crâne chauve sent germer tout à coup de soyeuses boucles brunes ou blondes : entré septuagénaire dans l’onde régénératrice, l’on ressort adolescent ou bambin. Voyez donc ces petits bambins, gérontes tout à l’heure, pour sortir du bassin, s’accrocher aux rebords du marbre, trop haut pour eux, et rejoindre leurs camarades qui jouent sur la rive à la manière antique, soit aux osselets, soit aux tessères, soit au disque, ou qui s’occupent à remplir des corbeilles de fleurs qu’ils chargent sur la tête.

Au fond se promènent des amis ou des groupes plus tendres, qui se perdent et disparaissent dans les allées ombreuses des bosquets élyséens ; d’autres s’abandonnent à quelque rêve contemplatif, ou dorment tranquilles sur un gazon étoilé de fleurs.

Dans le cintre supérieur roule le char de Bacchus, traîné par des centaures, et guidé par Castor et Pollux, les héros de l’amitié. Le dieu, entouré de sa joyeuse suite, est à moitié couché sur le sein d’Ariane endormie.

Le peintre a fait ainsi de Bacchus, malgré la colère de Platon, qui refuse au dieu du vin cette pacifique souveraineté, la divinité tutélaire de cet heureux et tranquille empire