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régénératrice : tu n’es plus dieu, tu n’es plus empereur, tu n’es pas même homme, si le prêtre ne te relève de ta chute ; accepte la croix, inscris-la sur ton labarum. « Tu vaincras par ce signe. » Mais si tu te regimbes, si tu te permets quelque petite fantaisie impériale, saint Amboise te fermera sur le nez les portes de l’Eglise, comme à Théodose, et d’un air contrit tu feras à genoux amende honorable sous le porche de la cathédral de Milan.

C’est par ces deux tableaux que Chenavard a symbolisé les développements progressifs de l’idée chrétienne : humble aux catacombes, bienveillante sous Constantin, superbe sous Théodose ; d’abord elle se cache, ensuite elle accueille, puis elle exclut.

Ces diverses phases, parfaitement caractérisées, nous amènent, en partant du fond du temple, au premier angle de la croix, dont le bras est occupé de ce côté par Attila saccageant Rome, saint Jérôme au désert et le Couronnement de Grégoire VII.

L’Attila est une grande composition qui occupe deux panneaux. D’une basilique byzantine, symbole de l’art nouveau, descend, par les paliers d’un escalier en terrasse, une procession de prêtres ayant en tête le pape porté sur sa chaise pontificale par quatre ségettaires : le bas du tableau est occupé par une horde de Huns et de barbares, tuant, pillant, incendiant. Le sol est jonché de cadavres encore chauds que l’on dépouille et que l’on précipite le long des rampes ; ce ne sont que des cruautés atroces, mutilations affreuses : le sang regorge, les chevaux en ont jusqu’aux sangles ! Attila, pressant des genoux son coursier échevelé et sauvage, qui se cabre sur des monceaux de morts et de mourants, se trouve face à face avec le blanc