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tous deux désespérés, l’un doutant de la vertu, l’autre de la patrie, se tuent, comme l’histoire le rapporte, Brutus en se laissant tomber sur son épée, Caton en arrachant ses entrailles par la bouche de sa plaie.

Les guerres civiles sont terminées. Auguste ferme le temple de Janus ; les poulets sacrés, les foies des victimes, ont donné des présages favorables. La paix du monde est assurée pour toujours ; Rome s’asseoit [sic] enfin sur une base inébranlable. Prêtres, jeunes filles, peuple, célèbrent ce jour heureux, et à quelques pas du temple se déroule une idylle pleine de poésie et de fraîcheur, la mise en action des vers où Virgile, prophète involontaire, annonce la venue du Messie. – Quant au poëte, il est là debout, ne regardant pas la fête, et l’œil tourné vers l’aurore mystérieuse que lui seul aperçoit à l’horizon, il murmure les hexamètres célèbres :


« Ultima Cumæi venit jam carminis ætas :
Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo.
Jam redit et virgo, redeunt Saturnia regnia :
Jam nova progenies cœlo demittitur alto. »

Nous sommes arrivé à l’extrémité de la croix et à la fin du monde antique : le paganisme a fait son temps ; une religion nouvelle va dominer le monde : avec Jésus-Christ est née l’ère moderne.