Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

roseaux, cette louve couchée qui lève son museau maigre, et sous le ventre de laquelle fouillent deux enfants joueurs et avides. Cette louve est la louve romaine qui aura bientôt dévoré l’Etrurie, et dont le monde entier ne pourra assouvir la faim insatiable.

Rome est constituée : les pères conscrits siègent sur leurs chaises curules, et Brutus, type de l’abnégation républicaine et du sacrifice des sentiments de la famille aux sentiments patriotiques, sort pour commander aux bourreaux et aux licteurs l’exécution de ses fils.

La prise de Carthage, centre de la civilisation d’Afrique, occupe deux entre-colonnements : Carthage doit disparaître et se fondre dans la grande unité romaine : cette scène de carnage et de terreur fait face à la chute d’Ilion et occupe le second angle de la branche gauche de la croix.

A l’angle de retour commencent les guerres civiles : César est sur le point de passer le Rubicon. Cette composition nous a vivement frappé par la grandeur de style et une expression morale dont peu de peintures offrent l’équivalent. Le torrent occupe le devant du tableau. César, à cheval, assez séparé du gros de sa troupe pour la dominer par la perspective comme une imposante statue équestre, hésite sur la rive, pesant la destinée du monde à cette minute suprême. Le cheval a déjà le pied dans l’eau et retourne la tête du côté de son maître d’un air interrogatif. Allons ! c’est résolu. César passera ; il rend la bride au noble animal ! le sort en est jeté. C’est simple, noble et beau, d’une beauté qui se sent mieux encore qu’elle ne peut se rendre.

L’artiste a réuni dans le tableau suivant, par une espèce de synchronisme d’optique, la mort de Brutus et de Caton ;