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s’éclipse déjà ; la Minerve d’ivoire et d’or, dont on apercevait la lance et le haut du casque dès le cap Sunium, n’a pu écarter les barbares de sa ville chérie. L’Acropole est envahie et le Parthénon profané. De grossiers soldats jouent aux osselets sur les tableaux d’Apelle, de Zeuxis, de Parrhasius et de Protogène, qu’ils rayent sans pitié. D’autres emportent les statues de marbre de Phidias, les bronzes de Lysippe, les trépieds et les cratères de Myron. Au fond la flamme dévore les monuments d’Ictinus, l’architecte qui sut donner la grâce humaine à un fronton et à une colonne.

Athènes n’est plus qu’une ruine. Ce qui reste d’elle et de sa tradition, nous le retrouvons dans la bibliothèque d’Alexandrie. Voici les versificateurs, les grammairiens, les commentateurs, les érudits, les philosophes qui raturent, épluchent, scrutent, compilent, dissertent, pâles desservants d’un art mort qu’ils ont embaumé pour lui conserver l’apparence de la vie, mais qui n’émeut personne, et auquel nul ne veut croire. Cette belle civilisation grecque a fini comme tout finit, par les barbares et les sophistes !

Maintenant, de l’Orient et de la Grèce, nous passons à l’Italie : les Etrusques d’Evandre savourent les douceurs de la paix et des arts ; occupés d’un joyeux festin, ils boivent à longs traits dans de belles coupes le vin que des jeunes filles leur versent, en inclinant ces amphores rouges et noires, fragiles chefs-d’œuvre céramiques dont quelques-uns pourtant sont parvenus intacts jusqu’à nous. On en voit qui, déjà rassasiés, sont étendus sur l’herbe, et jouent du chalumeau ou de la flûte de Pan. Cette scène de bonheur paisible et que rien ne semble devoir troubler ne se renouvellera plus. Regardez dans ce coin, au milieu de ces