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Tous les Olympes, tous les paradis, tous les Walhallas y ont passé, sans compter les cosmogonies orientales, les jugements derniers, les fêtes babyloniennes, les orgies et les triomphes romains, les invasions de barbares, les conciles, les grandes scènes de la Convention, les batailles de l’empire, tous les sujets où il faut remuer de grandes masses, et dont le personnage principal est la foule, personnage que nul ne s’entend à faire agir comme Chenavard.

Armé de cette érudition immense, encyclopédique, sans rival dans la composition, il eut la force de se tenir à l’écart et d’attendre que son tour arrivât. Il ne compromit pas son haut talent et ses austères qualités dans des tableaux épisodiques. Il ne voulait et ne pouvait peindre que le Panthéon, et comme tout vrai désir a le droit d’être réalisé et l’est toujours par le pouvoir équitable et bon qui proportionne les attractions aux destinées, Chenavard va enfin accomplir l’œuvre qui a été l’occupation et le but de toute sa vie. Le Panthéon peut-être était le seul monument où il pût formuler à l’aise ses doctrines d’art et de philosophie.

Le Panthéon est un temple et non pas une église ; sa forme, essentiellement païenne, se refuse aux exigences de la religion catholique, et sainte Geneviève a toujours eu, aux époques dévotes, beaucoup de peine pour y loger son culte : son nom même, qui signifie temple de tous les dieux et a prévalu parmi le peuple, le désigne à une destination plus vaste et plus générale que celle d’une basilique chrétienne. Y mettre simplement les dieux de l’ancien Olimpe [sic] eût été d’un paganisme par trop renouvelé des Grecs ; et bien que Jupiter et les autres habitants des palais célestes comptent en ce moment trois adorateurs