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à mesure qu’il avançait, le prince de Nagato acquérait la certitude que Yama-Kava avait abandonné la position. Il retrouvait les traces du camp, des cendres de feux éteints, les trous creusés par les poteaux des tentes.

— Qu’est-ce que cela présage ? se disait-il ; si le général a quitté son poste c’est que le danger l’appelait ailleurs ; le combat est peut-être commencé, peut-être tout est-il fini et arriverai-je trop tard !

À cette pensée le prince, saisi par une angoisse affreuse, lança son cheval vers la montagne et le poussa dans un sentier âpre et peu accessible. S’il réussissait à gravir la côte, il atteindrait Kioto en quelques instants, au lieu d’employer plusieurs heures à faire le long détour des rives du lac et de la rivière.

Loo fut le premier qui s’engagea derrière son maître ; tous les matelots le suivirent bientôt, après avoir rappelé l’avant-garde. À grand’peine on atteignit la crête de la colline ; elle se rattachait par une courbe peu profonde à une autre cime plus haute : c’était la montagne d’Oudji, sur laquelle on récolte le thé le plus délicat.

Le Verger occidental où avait eu lieu la lutte poétique présidée par la Kisaki était situé sur cette montagne. Le prince trouva