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— Tu crois que nous ne pouvons pas tenir la mer ? demanda le prince.

— Si nous sommes encore ici dans une heure, nous ne reverrons plus la terre.

— Par bonheur, la bourrasque souffle du large, dit Nata, et nous serons poussés droit à la côte.

— Allons, dit Nagato, d’autant plus que l’allure que prend le bateau me convient médiocrement. Est-ce que cela va durer ainsi ?

— Certes, dit Raïden, la voile nous soutiendra bien un peu, mais nous danserons.

— Le vent va m’emporter, disait Loo qui accumulait sur lui des paquets de cordages et des chaînes pour se rendre plus lourd.

On hissa la voile et on commença à fuir ; la barque bondissait, puis semblait s’enfoncer, elle penchait à droite ou à gauche, la voile touchait l’eau. On ne voyait plus l’horizon d’aucun côté, mais seulement une succession de collines et de vallées qui se déformaient et se reformaient, parfois une vague sautait dans le bateau et tombait avec un bruit sec comme si on eût jeté un paquet de pierres.

Loo était abasourdi par le souffle de ce vent qui ne reprenait pas haleine et lui envoyait au visage une pluie d’écume ; il retrouvait sur ses lèvres le goût salé qui lui avait si fort déplu lorsqu’il avait failli se noyer.