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Le prince était ému devant elle et se taisait. Elle l’avait salué en élevant la manche de sa robe à la hauteur de sa bouche.

Ce fut elle qui parla la première.

— Si tu as quelque, pitié dans l’âme, lui dit-elle d’une voix où tremblaient des larmes, ne me laisse pas dans cette incertitude terrible, donne-moi des nouvelles de mon époux !

— Je crains de t’attrister davantage en t’apprenant des nouvelles heureuses pour moi, déplorables pour toi, puisque tu es mon ennemie.

— Achève ! je t’en conjure ! s’écria Fatkoura épouvantée.

— Eh bien, l’armée du prince de Figo, secondée par mes soldats, a triomphé du prince de Nagato, qui s’est défendu héroïquement, je l’avoue ; en ce moment, il doit être prisonnier ; la dernière nouvelle m’annonce qu’avec une centaine d’hommes à peine, Nagato s’est retranché dans un petit bois, mes troupes l’ont cerné et il ne peut échapper.

Fatkoura baissa la tête avec accablement. Lui, vaincu ! elle ne pouvait le croire, elle ne pouvait se l’imaginer malheureux. À ses yeux il triomphait toujours, il était le premier, le plus beau, le plus noble : comment serait-il prisonnier, d’ailleurs, lorsqu’il pouvait échapper à la captivité par la mort ?