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prince lui fit signe de venir près de lui, elle obéit.

— Est-elle toujours aussi triste ? lui demanda-t-il.

— Toujours.

— Elle me hait, n’est-ce pas ?

— Je ne sais, dit Tika.

— J’ai laissé échapper l’autre jour devant toi un aveu que j’aurais dû taire, dit le prince ; l’as-tu rapporté à ta maîtresse ?

— J’ai l’habitude de ne lui rien cacher, seigneur.

— Ah ! demanda vivement le prince, qu’a-t-elle dit en apprenant mon amour pour elle ?

— Elle n’a rien dit, elle a caché son visage dans ses mains.

Le prince soupira.

— Je veux la voir à tout prix ! s’écria-t-il. Depuis trois jours, je me prive de sa présence et l’ennui m’accable, j’oublie trop que je suis le maître.

— Je vais lui annoncer ta visite, dit Tika, qui rentra brusquement dans l’habitation.

Un instant après Toza parut devant Fatkoura. Il la trouva plus belle encore que la dernière fois qu’il l’avait vue ; la tristesse ennoblissait sa beauté ; son teint, oublieux du fard, laissait voir sa pâleur fiévreuse, et ses yeux avaient une expression résignée et fière des plus touchantes.