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modestie l’avait écartée, et depuis que, vendue pour le plaisir de tous, elle était tombée au dernier rang de la société, la pensée de reparaître devant Fidé-Yori lui faisait honte.

Souvent, de riches marchands de la ville amenaient leurs femmes à la maison de thé pour leur faire passer quelques heures dans la compagnie des courtisanes. Ces dernières leur enseignaient les belles manières, l’art de jouer du semsin et de composer des vers. Quelquefois la femme du monde accroupie en face d’Omiti, écoutant, les lèvres entr’ouvertes, le chant douloureux de la jeune fille, avait été surprise de voir soudain les larmes enfler les yeux de la chanteuse, mais elle avait cru que c’était là une ruse séduisante, et rentrée chez elle s’était efforcée de pleurer en faisant vibrer les cordes de son instrument.

Sous son manteau de neige, derrière les fenêtres closes et bien qu’elle parût silencieuse du dehors, la maison de thé était pleine de monde et de tumulte.

Depuis plusieurs semaines déjà, elle était envahie journellement par une foule de gens de toutes les classes du peuple, qui semblaient s’y réunir dans un but secret. Le maître de l’établissement était sans nul doute d’accord avec ces hommes ; il se mêlait toujours à leur conversation ; il paraissait même souvent la diri-