Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, elle t’aime, je le sais, reprit Fatkoura avec un faible sourire. Crois-tu que le regard jaloux de la femme dédaignée n’ait pas su lire dans ses yeux ? Comme leur fierté s’éteignait lorsqu’ils se posaient sur toi, comme sa voix, malgré elle, devenait douce quand c’était à toi qu’elle parlait, quelle inquiétude joyeuse à ton arrivée, quelle tristesse après ton départ ! J’observais, chaque découverte était pour moi un coup d’épée. La rage, la haine, l’amour déchiraient mon cœur. Non, tu n’as pas souffert autant que moi.

— Ne m’accable pas, Fatkoura, dit le prince, je ne méritais pas un tel amour, vois comment je l’ai récompensé. Tu es là mourante par ma faute, et je ne puis te sauver. L’horrible douleur qui m’étreint en ce moment te venge bien des souffrances que je t’ai causées.

— Je suis heureuse maintenant, dit Fatkoura, j’aurais pu mourir avant ton arrivée, et je suis près de toi.

— Mais tu ne mourras pas ! s’écria le prince. Suis-je fou d’être là inactif, stupide d’épouvante, au lieu de te porter secours, de faire panser ta blessure ! Tu es jeune, tu guériras.

— À quoi bon ! dit Fatkoura. M’aimeras-tu après ?