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Je commençais à frotter rudement la vieille femme qui poussait des gémissements lamentables. Je faisais tous mes efforts pour contenir le rire qui me montait de nouveau à la gorge et m’étranglait. La jeune fille avait découvert son épaule, modestement, comme si nous avions eu des yeux.

— C’est là, disait-elle ; je me suis donné un coup et le médecin a dit que quelques frictions me feraient du bien.

Nagato commença à masser la jeune fille avec un sérieux étonnant, mais tout à coup il sembla oublier son rôle d’aveugle.

— Quels beaux cheveux vous avez ! dit-il. Certes, pour adopter la coiffure des femmes nobles, vous n’auriez pas besoin d’user comme elles des artifices destinés à allonger la chevelure.

La jeune fille poussa un cri et se retourna ; elle vit les yeux très-ouverts de Nagato qui la regardaient.

— Mère, s’écria-t-elle, ce sont de faux aveugles !

La mère tomba assise à terre et, la stupeur lui ôtant toutes ses facultés, elle ne fit aucun effort pour se relever, mais elle se mit à pousser des piaillements d’une acuité extraordinaire.

Le père accourut tout effrayé. Moi, j’avais donné un libre cours a mon