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appliquai de mon mieux. Nous voici donc par les rues à la suite de cette bande d’aveugles. Je n’y pus tenir. Je fus pris d’un fou rire que tous mes compagnons partagèrent bientôt.

— Nagato a décidément perdu l’esprit ! s’écrièrent les auditeurs du prince de Toza en éclatant de rire.

— Il me semble que Toza n’était guère raisonnable non plus !

— Le prince de Nagato, lui, ne riait pas, continua le narrateur, il était fort en colère. J’essayais de m’informer auprès de l’aveugle le plus proche de moi des desseins du prince, il les ignorait ; j’appris seulement que la corporation dont je faisais partie appartenait à cette confrérie d’aveugles dont le métier est d’aller chez les petites gens masser les personnes faibles et les malades. Je commençais à entrevoir confusément l’intention de Nagato. Il voulait s’introduire, sous ce déguisement grotesque, dans une demeure d’honnêtes marchands. L’idée que nous aurions peut-être quelqu’un à masser me plongea de nouveau dans un tel accès de gaieté que, malgré mes efforts pour garder mon sérieux, afin de complaire au prince, je fus contraint de m’arrêter et de m’asseoir sur une borne pour me tenir les côtes.

Nagato était furieux.