Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 1.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je vis mes serviteurs qui se disputaient avec une troupe d’aveugles. Ceux-ci voulaient entrer à toute force et parlaient tous à la fois en frappant les dalles de leurs bâtons ; les valets criaient pour les faire sortir et l’on ne s’entendait pas du tout. Je commençais à m’irriter de cette scène, lorsque je vis arriver le prince de Nagato ; aussitôt mes serviteurs s’inclinèrent devant lui, et sur son ordre firent entrer les aveugles dans le pavillon qui sert d’écurie aux chevaux des visiteurs. J’allai au-devant du prince, curieux d’avoir l’explication de toute cette comédie.

— Hâtons-nous, dit-il en entrant dans ma chambre et en jetant un paquet sur le tapis, ôtons nos habits et revêtons ces costumes.

— Pourquoi faire ? dis-je en regardant les costumes qui étaient peu de mon goût.

— Quoi ! dit-il, n’est-ce pas l’heure où nous quittons l’ennuyeuse pompe de notre rang pour redevenir des hommes joyeux et libres ?

— Oui, dis-je, mais pourquoi employer notre liberté à nous affubler de ces costumes peu gracieux ?

— Tu verras, j’ai un projet, dit le prince qui se déshabillait déjà ; puis, Rapprochant de mon oreille, il ajouta :

— Je me marie cette nuit. Tu verras quelle noce !