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L’USURPATEUR

— Est-ce possible ? s’écria Nagato, se serait-on joué de moi ? En ce cas, je ne pourrai survivre à cet affront.

— Calme-toi, ami, dit le prince de Tsusima, et écoute-moi : après la fête de ce soir, aussitôt qu’elle fut rentrée dans ses appartements, la divine Kisaki m’a fait appeler : « Farou, m’a-t-elle dit, le prince de Nagato quitte Kioto cette nuit ; je sais qu’on en veut à ses jours, et qu’il peut tomber dans une embuscade. Aussi, au lieu du message qu’il croit porter, je ne lui ai donné qu’une enveloppe vide, la véritable lettre est ici, ajouta-t-elle en me montrant une petite cassette. Prends cinquante hommes avec toi et suivez le prince à distance ; s’il est attaqué, portez-vous à son secours ; sinon, rejoignez-le à la porte d’Osaka et remets-lui cette cassette en lui laissant ignorer que vous l’avez escorté. » Voici, prince ; seulement tu possèdes des chevaux incomparables, et nous avons manqué arriver trop tard à ton aide.

Nagato fut profondément troublé par cette ! révélation, il se souvenait avec quelle douceur la souveraine lui avait souhaité un heureux voyage et ne pouvait se défendre de voir une marque d’intérêt pour sa vie dans ce qui s’était passé. Et puis il songeait qu’il allait pouvoir conserver ce trésor, cette lettre qu’elle avait gardée pendant toute une soirée sur son cœur.