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LE BOIS DE CITRONNIERS

surmonta un instant ce bruit pieux, et deux hommes apparurent, sombres sur le ciel clair, au sommet de l’escalier blanc.

Ils s’arrêtèrent un instant, sur la plus haute marche, pour admirer le charmant fouillis de broussailles, de fougères, d’arbustes en fleur, qui formait les rampes de l’escalier.

Puis ils descendirent lentement à travers les ombres fantasques que jetaient les branches sur les degrés.

Arrivés au pied de l’escalier, ils s’écartèrent vivement pour ne pas culbuter une tortue qui cheminait sur la dernière marche : la carapace de cette tortue avait été dorée, mais la dorure s’était un peu ternie dans l’humidité des herbes.

Les deux hommes s’avancèrent dans l’avenue.

Le plus jeune des promeneurs avait à peine vingt ans, mais on lui en eût donné davantage à voir la fière expression de son visage et l’assurance de son regard ; cependant, lorsqu’il riait, il semblait un enfant, mais il riait peu et une sorte de tristesse hautaine assombrissait son front charmant.

Son costume était très-simple : sur une robe de crêpe gris, il portait un manteau de satin bleu sans aucune broderie : il tenait à la main un éventail ouvert.